Quand la mode se mêle à la cause : Spécial cancer du sein 

Quand la mode se mêle à la cause : Spécial cancer du sein 

L’histoire derrière Octobre Rose

Tout commence avec une survivante de la maladie, Mme EVELYN LAUDER. Femme d’affaires, mondaine et philanthrope autrichienne-américaine, elle décide un jour en prenant un café dans sa cuisine avec son ami de toujours le Dr Larry Norton, qu’il est temps de reprendre le pouvoir sur la maladie. À cette époque, les scientifiques peinent encore à déterminer la nature de la maladie, mais aussi son schéma d’évolution dans le corps, créant ainsi une psychose chez les personnes atteintes qui peinent à comprendre ce qui leur arrive, la seule certitude étant qu’elles peuvent en mourir. Et à cette période, malgré les recherches sur les stratégies de prévention encore embryonnaires, les méthodes de dépistage limitées et les options de traitement rares, Mme EVELYN LAUDER, son époux, ainsi que le Dr Larry Norton lancent l’ambitieux projet d’une fondation ayant pour but de trouver les financements nécessaires aux recherches sur le cancer du sein, la Breast Cancer Research Foundation en 1993. 

Mais c’est en 1989 qu’avec une de ses proches amies, Alexandra Penney alors rédactrice en chef du magazine SELF, qu’elle créera le célèbre ruban rose en prélude à la campagne de sensibilisation au cancer du sein qu’elle compte lancer au sein des entreprises Estée Lauder. Le programme consistait à distribuer des rubans pendant tout un mois, accompagnés de cartes d’instruction pour l’auto-examen, sur les comptoirs Estée Lauder à travers les États-Unis et dans le monde entier. Contribuant ainsi à sensibiliser le public du magasin alors majoritairement féminin, sur l’importance de la santé mammaire et à placer la lutte contre le cancer du sein au premier plan de la scène publique. La même année, notre héroïne du sein en tant que membre du conseil d’administration du Memorial Sloan Kettering Cancer Center de New York, contribuera à la création d’un centre de diagnostic du sein à la pointe de la technologie. 

Et depuis des années, de nombreux acteurs à travers le monde se sont alliés à la lutte afin d’apporter un soutien aux personnes atteintes, mais aussi faire évoluer les recherches sur la question. Et parmi eux, des acteurs du secteur de la mode qui ont décidé de rajouter des strass et des paillettes dans la vie de tous ceux qui se battent pour la cause. Alors, à l’image d’un créateur de mode qui conçoit une pièce unique, les marques et designers mobilisent leur talent pour sensibiliser, soutenir et surtout faire la différence dans cette lutte acharnée grâce à leur créativité et à leur générosité.

Le patron : Les grandes maisons internationales à l’avant-garde de la lutte

Si la mode est un reflet de la société, elle est aussi un levier puissant pour influencer les mentalités et sensibiliser aux grandes causes sociales. Alors depuis plusieurs années, à l’international, nombreuses sont les marques de mode qui, conscientes de leur influence, se sont engagées dans cette cause, faisant d’Octobre Rose un rendez-vous incontournable de leur calendrier. Entre autre, elles créent des collections spéciales, organisent des événements, et reversent une partie de leurs bénéfices à des associations de lutte contre le cancer du sein.

L’un des pionniers dans ce domaine, Ralph Lauren, la marque connue pour ses vêtements élégants et intemporels, a créé en 2000 la ligne « Pink Pony ». Pour Ralph Lifschitz, le fondateur de la marque, et l’idée derrière cette initiative un peu particulière est très simple. Chaque année, de nouvelles collections de la ligne sont lancées spécialement pour Octobre Rose, avec des vêtements et accessoires arborant le célèbre logo du cheval dans une version rose, symbole de la campagne. Les bénéfices générés à la vente devant être reversés soit aux associations partenaires de lutte contre le cancer ; soit à l’association de la marque elle-même, Pink Pony Foundation dont la principale mission est de faciliter l’accès au traitement pour tous.  

Dans cette catégorie de marques très engagées, nous pouvons également citer ETAM, la marque de lingerie française qui œuvre sur deux fronts. A travers des capsules exclusives tout en rose dont les bénéfices sont entièrement reversés à l’association Ruban Rose qui a pour objectif de faire avancer la recherche contre le cancer du sein. Mais aussi à travers sa fameuse collection post mastectomie, adaptée aux femmes ayant suivi une ablation d’un ou de leurs deux seins du fait de la maladie, permettant à celle-ci de regagner confiance en elles après ces moments difficiles. Ces initiatives, bien plus qu’un simple coup marketing, montrent que la mode a un réel pouvoir de mobilisation et d’action à travers le monde, que ce soit pour sensibiliser, ou même encore récolter les fonds nécessaires à la recherche et la prévention. Le modèle à suivre ainsi érigé, représente un patron que d’autres maisons de couture pourraient facilement adapter à leur propre univers. Alors, qu’en est-il des créateurs africains ? 

L’assemblage : L’engagement des marques africaines, un tissu encore trop léger  

Alors que les marques de mode internationales font de plus en plus d’efforts pour intégrer des causes sociales dans leurs stratégies, il est frappant de constater que les marques de mode africaines, pourtant en plein essor, ne se sont que très peu emparées de la campagne Octobre Rose. En effet, leur implication, bien qu’existante, reste encore marginale et largement sous-développée par rapport à celle de leurs homologues internationales. Le cancer du sein est pourtant l’une des premières causes de mortalité féminine en Afrique, et la sensibilisation est cruciale. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), plus de 74 000nouveaux cas de cancer du sein ont été diagnostiqués en Afrique en 2020, et ce nombre ne cesse de croître, avec des taux de mortalité plus élevés que dans d’autres régions du monde en raison du manque de dépistage précoce et d’accès aux soins. Pourtant, peu de créateurs africains ont pris ce fléau à bras-le-corps pour l’intégrer dans leurs stratégies et collections de mode.

La question se pose donc : pourquoi si peu de marques africaines s’engagent-elles dans cette cause ? 

Plusieurs raisons peuvent être avancées. D’abord, sur le plan structurel, le manque de moyens financiers et une faible visibilité desdites marques se positionnent en tête de liste. En effet, contrairement aux grandes maisons internationales, beaucoup de marques africaines, bien que créatives et talentueuses, manquent de ressources pour lancer des campagnes de sensibilisation à grande échelle. De plus, ces marques opèrent généralement dans un marché local ou régional, et la compétition est rude pour attirer l’attention des consommateurs. Il est donc difficile de consacrer du temps et de l’énergie à des initiatives de charité, surtout lorsque les bénéfices directs semblent limités. Au-delà de l’aspect financier, un autre obstacle réside dans la visibilité des campagnes. De nombreuses marques de mode africaines sont encore en phase de croissance et peinent à toucher un public large, même au sein de leur propre pays. Sans une visibilité accrue, il est difficile pour ces campagnes d’avoir un impact significatif, tant sur le plan financier au travers des sommes collectées, que médiatique au travers du travail de vulgarisation à faire.

Ensuite, comme raison de cette réticence à l’engagement, nous pouvons parler du manque de coordination entre le secteur de la mode et celui de la santé en Afrique. Contrairement à des campagnes comme celles menées par Ralph Lauren ou encore par ETAM qui bénéficient d’une longue tradition de partenariats avec des organisations de santé reconnues, ou même d’associations depuis longtemps établies, les marques africaines ne disposent pas toujours de réseaux bien établis avec des ONG ou des institutions de santé locales. La conséquence immédiate étant des actions ponctuelles, qui s’avèrent peu bénéfiques pour la cause sur le long terme. 

Enfin, on peut également évoquer un souci de conscience et de volonté. Pour que la mode africaine s’engage pleinement dans cette cause, il est nécessaire que les créateurs et les marques prennent conscience de l’importance de leur rôle en tant qu’acteurs de changement. La mode n’est pas qu’une question d’esthétique, elle peut aussi être un moyen de mobilisation et de sensibilisation puissant. Les créateurs africains qui ont su imposer leur style et leur vision à l’échelle internationale, pourraient ainsi jouer un rôle clé dans la lutte contre le cancer du sein à leur échelle au travers d’actions de divers ordres. Créant ainsi un effet domino qui permettrait de donner plus de force au combat. 

Les finitions : Un avenir pour une mode africaine plus engagée

Face à ces constats, il est clair que l’avenir de l’engagement des marques africaines dans la campagne d’Octobre Rose repose sur plusieurs axes qui mis ensemble permettraient de tirer le meilleur de tout un chacun pour la lutte. D’abord, il est essentiel que les créateurs africains commencent à collaborer plus étroitement entre eux, ainsi qu’avec des partenaires issus du secteur de la santé et du développement. En s’associant à des organisations qui militent pour la lutte contre le cancer du sein telles que Breast Care InternationalRun For a Cure Africa ou Women 4 Cancer, ils pourront bénéficier de l’expertise et des réseaux nécessaires pour mener des campagnes plus efficaces et plus durables. 

Ensuite, la question des ressources doit être abordée. Les marques africaines doivent trouver des moyens de financer leurs campagnes de manière durable, que ce soit à travers des collaborations avec des entreprises privées, des levées de fonds ou des dons de particuliers. Une autre solution pourrait être de s’inspirer des grandes maisons internationales, qui intègrent souvent leurs campagnes de charité dans leurs stratégies de marketing. En Afrique, une approche similaire pourrait permettre aux créateurs de concilier engagement social et rentabilité économique.

Enfin, la visibilité des campagnes doit être renforcée. Les créateurs africains doivent apprendre à mieux communiquer sur leurs actions, en utilisant notamment les réseaux sociaux et les médias locaux pour toucher un public plus large. Des campagnes de sensibilisation bien orchestrées, avec un suivi et une évaluation de l’impact, permettront d’attirer l’attention sur la cause et de mobiliser un plus grand nombre de personnes. En plus de leur permettre de créer des liens avec ce public du fait de leur implication dans cette maladie qui détruit des vies chaque jour. 

En conclusion, bien que les marques de mode africaines peinent à s’engager dans la lutte contre le cancer du sein à travers Octobre Rose, un tissu plus solide de collaborations, de ressources et de visibilité pour que la mode africaine puisse pleinement jouer son rôle dans cette lutte cruciale pour la santé des femmes africaines pourrait renverser la donne.

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