C’est à l’Institut du Monde Arabe, à Paris, que s’est tenue la première édition du Prix de la Mode du Monde Arabe, un événement qui marque déjà une nouvelle ère pour la création du monde arabe. Un nombre record de candidatures issus de tous les pays où la culture arabe est présente, révélant la richesse, la pluralité et la vitalité d’une scène mode trop souvent sous-représentée. Et si une chose s’est imposée au fil des défilés et des discours, c’est la présence puissante du Maroc : douze créateurs finalistes, et deux lauréats ; preuve éclatante de la force conquérante du royaume ces dernières années sur la scène internationale.
2025, l’année Ahmed Hassan


Sacré Talent émergent, Ahmed Hassan incarne cette nouvelle génération de créateurs qui réinventent la mode masculine. Ancien architecte originaire de La Mecque, il imagine des silhouettes alliant rigueur structurelle et fluidité inspirée des bédouins, nourries par la diversité culturelle de sa ville natale, traversée chaque année par des pèlerins venus du monde entier. Après avoir intégré la prestigieuse liste BOF 500 et remporté un prix aux Saudi Fashion Awards, cette nouvelle distinction confirme une ascension à la fois fulgurante et maîtrisée. Calme, posé et déterminé, il confie travailler « en famille, avec [sa] sœur », et refuse de céder à la recherche de la célébrité : son véritable souhait est de « faire connaître la profondeur et la force de [sa] culture ».
Le prix du cœur : Mouthana Alhaj Ali

Le Prix spécial du jury a été attribué à Mouthana Alhaj Ali, dont le parcours émeut autant qu’il inspire. Originaire de Syrie et réfugié en France depuis 2017, il a confié « être Français depuis deux semaines. ». Son premier geste sur scène fut d’appeler sa mère à le rejoindre : « C’est son prix », dit-il simplement. Il évoque alors « les trois heures de traversée du désert de nuit pour fuir la guerre», « la force de sa mère, qui a toujours montré que tout allait bien, même dans les piresmoments ». Ses créations, de cet exil, célèbrent la dignité. « La force des femmes dans la souffrance m’a poussé à créer pour elles. Je veux être le porte-parole honnête des exilés. Un créateur qui ne l’a pas vécu ne peut pas l’exprimer de la même manière. » Aujourd’hui première main chez Stéphane Rolland, où il travaille depuis un an et demi, Mouthana allie maîtrise et sensibilité. Au col de sa chemise blanche, une cravate noire : « un morceau du traditionnel chapeau chilien » rappelle que pour lui, chaque détail porte une histoire, une mémoire.

Talents innovants et accessoires : la relève en mouvement
Côté Talent innovant, le jury a distingué Abdel Djalel Chib, créateur algérien basé à Paris, dont le travail repense les frontières entre mode, design et architecture. Dans son atelier, il imagine des accessoires éco-responsables et sculpturaux.
« Mon parcours commence par une tension entre racines et exil… mais l’unique évidence, c’est la perle et moi », confie-t-il, poétique. Par son approche, il redéfinit cette esthétique et cette éthique chères à la créativité africaine contemporaine. Enfin, le Talent accessoires a été décerné à la Marocaine Lina Kouhaili, jeune designer à l’énergie contagieuse. « Mon père est en trekking au Maroc, sans réseau. Il n’est au courant de rien ! », s’amuse-t-elle, encore émue. Elle rêve désormais de collaborations internationales pour « partager sa vision et faire voyager ses créations ».

Un prix nécessaire et porteur d’avenir
De la qualité du jury à celle des lauréats, tout dans cette première édition a démontré la nécessité d’un tel prix. Véritable tremplin pour une génération de créateurs entre tradition et modernité, il offre une scène à ceux qui racontent, à travers le vêtement, les nuances d’un monde arabe multiple, fort, et profondément inspirant. Une soirée placée sous le signe de la transmission, de la résilience et d’une beauté consciente : celle qui tisse les liens entre cultures, mémoires et avenir.

