Les Artisanes de l’Ombre du Show-Business

La plupart des personnes sur la surface de la terre observent les  fulgurances du show business toujours d’un œil extérieur. Rares sont celles et ceux qui arrivent à y naviguer en profondeur.  Les métiers du spectacle fascinent et le mystère gravite toujours autour de l’artiste qui fait sensation. Le mythe veut que ce soit un milieu très masculin et inaccessible aux femmes. Et si le pouvoir de faire perdurer, briller les stars, tout comme de leur donner vie, était aussi une autre qualité féminine que l’on a très souvent cachée aux yeux du public? Portraits et parcours de femmes qui œuvrent en coulisses du show-business et influencent l’industrie.

Les femmes de l’ombre qui écrivent le show-business

Les artisanes de l’ombre du show-business se sont construites par le besoin profond d’émancipation. Le divertissement a pris bien des formes, du cabaret aux cercles de couture ou de pensées; de la lecture aux clubs politiques déguisés. Ces femmes sont devenues des managers des temps modernes. Productrices, directrices d’agences d’influence ou de centres culturels, des éditrices, de réelles leaders. L’inégalité sociale s’est reproduite sans fin, transposée dans le monde des arts. Cependant, ce milieu a aussi permis aux femmes d’émanciper leurs idées, leurs corps et leurs professions par bien des stratégies.

La représentativité des femmes dans le monde des arts et de la culture a parsemé l’Histoire d’épisodes douteux. Ces derniers ont très souvent poussé ces créatrices à emprunter des noms d’hommes ou à être simplement volées de leurs œuvres par leurs collègues, amis ou maris. D’ailleurs, avant d’obtenir le statut d’artiste, il était nécessaire qu’un homme chaperonne cette identité, telle Artemisia Gentileschi, peintre reconnue du 17ème siècle, interdite de vivre de son art sans l’autorisation du précepteur privé Agostino Tassi.

Au cas par cas, les icônes de l’histoire ont accompli l’impensable. Se démarque de nos jours, l’industrie de la musique par ses systèmes de marketing et de promotion des femmes qui endossent des responsabilités plus variées  qu’autrefois. Passant de la simple muse à la patronne. En 2023 le CNM (Centre National de la Musique) nous révèle des statistiques tout de même alarmantes:  seuls 17 % des femmes représentent l’ensemble des entités artistiques. Néanmoins en ce XXIème siècle, une hausse des femmes particulièrement afrodescendantes  se font remarquer par leur brio  et sens des affaires.

Pionnières, managers, visionnaires : ces parcours qui comptent

Dans un tour du monde des femmes capables qui ont participé au rayonnement des grands noms du show-business , on peut lever le rideau face au talent de la grande Abéti Masikini  (1954-1994), fille de Jean-Pierre Finan. Son patrimoine musical et culturel est aujourd’hui entre les mains de sa petite fille Lorena Maiskini. Nous la connaissons comme la voix féminine phare de la rumba congolaise. Mais nous la découvrons aussi à travers Lorena, par le rôle clé qu’elle a exercé en tant que mécène,  militante féministe, défenseuse, de l’accès à l’éducation en République Démocratique du Congo. Elle partage les scènes avec les plus grands, comme Tabu Ley, Franco Luambo Makiadi, Myriam Makeba ou encore le légendaire James Brown au show d’ouverture du combat de boxe de Mohamed Ali et de Georges Foreman à Kinshasa en 1974, “Le combat des Titans”. Une performeuse totalement investie des costumes à la chorégraphie, avec le groupe des tigresses formé avec Manow Bale.

Révolutionnaire par sa méthode de travail entre exigence et minutie, son leadership a très souvent engendré frustration et admiration dans une industrie dirigée par les hommes. Grâce aux combats menés dans le secret et la souffrance, parfois sous la menace pour la dignité  des femmes dans la société et la musique, elle demeure  pionnière aussi d’une avancée sociale. Elle a notamment lancé des chanteuses comme Bilabel, Tshala Mwana et Mpongo Love. En se produisant jusqu’en Chine, elle prouve que la musique , surtout africaine, est un terrain de stratégie, de diplomatie , une voix pour la liberté des peuples, “ la musique est une affaire sérieuseAmobe Mévégué.

Une nouvelle génération qui s’impose dans les métiers de l’ombre

Cette richesse innée du continent africain devient une source de  revenus pour les grandes majors mondiales. Et n’ayant pas encore de structures assez puissantes ni de système stable localement à chaque maillon de la chaîne, l’esprit de compétitivité est aux plus haut et les opportunités sont rares. C’est ainsi que dans un mélange de passion et d’engagement les femmes s’emparent  aussi des postes clés de l’ombre. Elles deviennent des rôles modèles, reconnues par leurs compères. Un essor de profils variés voit le jour, en tant que  directrices artistiques, managers,  bookeuses, ou bien journalistes spécialisées.

Guylène Cléry : un parcours pionnier et une vision pour demain

À l’image de Guylène Cléry, fière de sa Guyane natale, elle bâtit une carrière internationale rare. Depuis 1996, elle crée CGA Management, s’épanouissant dans la production, l’édition, l’organisation de spectacles. Ce qui la mènera aussi au Kora Awards en présence de Nelson Mandela et Michaël Jackson en tant que RP. Précurseure dans les masterclass en ligne sur le management d’artistes, elle développe une expertise digitale conséquente. Elle devient la pièce maîtresse du milieu.

Dès 2018 en poste à Universal Music en Côte d’Ivoire, elle jongle  et gravit son nom devenant directrice  live et événements, puis directrice des tournées pour enfin devenir directrice du label Virgin Africa qu’ elle bâtira depuis sa genèse. L’enjeu est grand, car le monde veut l’Afrique sans y être,  et tous les africains veulent s’exporter au-delà des frontières. Guylène met en route un véritable chantier de digitalisation, formatage et référencement du patrimoine musical tout en prévoyant les outils de demain pour la jeunesse active.

De jeunes femmes souhaitant  évoluer dans cette sphère l’ont beaucoup questionnée : Comment agir en tant que femmes?  Ce à quoi Guylaine répond régulièrement lors de ses conférences:  “Prône le savoir être avant le savoir faire, l’éthique va déterminer la manière dont on va agir, et apprend à savoir dire non.”.  Des critères moraux louables et un sens du travail aigu semblent être une recette efficace pour devenir des  artisanes du relationnel.

Une présence déterminante dans une industrie en mutation

L’industrie du spectacle exige pour chacune de ces professions le besoin de sortir de sa zone de confort et de se challenger. Dans cette dynamique nous pouvons aussi admirer le travail de la franco-guinéenne Mariama Diallo-Rabin, sœur et manager de Black M. Elle prouve que parfois on peut aimer la scène, sans être celle ou celui qui est sous les projecteurs. Issue d’un parcours plus corporate aux Ressources Humaines dans le secteur de la cosmétique, son entrée dans les filets du métier s’apprend surtout sur le terrain, avec un grand sens de l’écoute. Son expérience passée lui offre des bases solides dans le management et la gestion budgétaire.

Toutefois, ce changement de carrière lui donne aussi envie de se former dans les éditions  afin de mieux entrevoir les nuances du métier. Mariama marque une nouvelle génération de femmes dans le show business. Une génération qui ose changer de vie de manière radicale pour poursuivre l’appel profond d’une passion. Son esprit collectif et son courage ont montré qu’il est important de prendre conscience de la posture que l’on a en tant qu’accompagnateur . Si on n’est pas sous la lumière, on la crée, afin de percevoir la bonne trajectoire et maintenir une vision innovante et originale. Là où certains voient des obstacles, elle y perçoit des avantages: “Par ailleurs je trouve qu’être une femme dans ce milieu est souvent une force, nous avons cet un espèce de 6 eme sens qui nous évite certaines situations complexes, ce fameux instinct féminin !” .

Sous la pluie de clics en plein streaming, sous chaque nouvelle chanson, au-delà des scènes remplies d’une foule euphorique, derrière une tournée de médias, dans les coutures des costumes  aux reflets pailletés, ce sentiment de rêve et facilité.  Si l’on prenait une loupe pour les percevoir au coin de la scène, ou tout près de ces étoiles, là haut à la régie? Peut -être que vous pourrez entrevoir l’une de ces femmes artisanes du show-business. Elles ont choisi ces métiers de passion pour aussi faire évoluer les mentalités et la culture. Sans oublier qu“ une femme qui maîtrise ses sujets et qui ose, est toujours une femme de pouvoir”, Guylaine Cléri.

À lire aussi : Trois Divas, trois Générations : l’héritage vivant de la musique ivoirienne au féminin

Image de Kaïgé-Jean Bale Simoës de Fonseca

Kaïgé-Jean Bale Simoës de Fonseca

Correspondante officielle ELLE Côte d'Ivoire. Femme de culture et de médias. Engagée pour le développement social, artistique et educatif. Membre UNESCO ICAEP NGO, TDAIO et Porte Parole de la JMCA. CEO LUNABLU|Press&Comm

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