Je m’appelle Mariam, j’ai 27 ans et j’ai toujours cru que le travail acharné ouvrirait toutes les portes. Dans ma famille, on m’a appris qu’une femme doit se battre, qu’elle doit être forte et ne jamais dépendre de personne. J’ai suivi ce conseil à la lettre. Après mon diplôme en finance, j’ai été recrutée dans l’une des plus grandes entreprises de la place. Un poste dont beaucoup rêveraient, avec un salaire confortable et des perspectives d’évolution prometteuses.
Les premiers mois ont été intenses. J’apprenais vite, je faisais mes preuves. J’étais fière. Mais très vite, les regards ont changé. J’ai commencé à remarquer ces silences lourds quand j’entrais dans une pièce, ces sourires trop appuyés, ces compliments qui n’en étaient pas vraiment.
« Tu es trop belle pour ce métier, Mariam. Avec un visage comme le tien, tu devrais être assise dans une voiture de luxe, pas derrière un bureau. »
J’ai ri nerveusement la première fois. Puis j’ai compris. Ce n’était pas une blague. Mon talent, mon intelligence, mes sacrifices… tout cela comptait moins que mon apparence.
Le harcèlement a commencé insidieusement. Des messages tard le soir, des invitations déguisées en « dîners professionnels ». Refuser poliment ne suffisait pas. J’ai commencé à voir mes dossiers être écartés sans raison, mes idées volées et attribuées à d’autres. Je devais travailler deux fois plus pour prouver que j’étais là pour mes compétences, pas pour « charmer la direction ».
Puis, ils ont été plus directs.
Un jour, mon supérieur m’a convoquée dans son bureau. Il m’a demandé si j’étais consciente des « opportunités » qui s’offraient à moi.
— « Mariam, regarde autour de toi. Les femmes qui réussissent ici savent comment s’y prendre. Tu es intelligente, tu devrais comprendre ça. »
Je n’ai pas répondu.
À partir de ce jour, j’ai été mise au placard. Mes projets ont été transférés à d’autres. J’ai commencé à entendre des rumeurs sur moi, des histoires fausses soufflées par ceux que j’avais osé repousser.
« Elle est hautaine. »
« Elle croit qu’elle est mieux que nous. »
« Elle finira par céder, comme toutes les autres. »
J’ai pleuré certains soirs en rentrant chez moi. J’ai douté. Était-ce moi le problème ? Avais-je été trop rigide ? Peut-être que…
Non.
Non, parce qu’aucune femme ne devrait être obligée de troquer son intégrité contre une promotion.
Ils ont tout fait pour me briser. Ils ont réduit mon salaire sous prétexte de « réajustements budgétaires ». Ils ont inventé des erreurs inexistantes pour me mettre en faute. Ils ont même engagé une remplaçante avant que je ne parte.
Je suis restée debout, le plus longtemps possible.
Puis un matin, en regardant mon reflet fatigué dans le miroir, j’ai compris : je ne perdais pas en partant. C’était eux qui perdaient une femme talentueuse, une battante.
J’ai rédigé ma lettre de démission, sans regrets.
Aujourd’hui, j’ai trouvé un travail dans une entreprise qui respecte ses employées. Mais je ne veux pas juste tourner la page. Je veux parler, dénoncer. Parce que je ne suis pas la seule à avoir vécu ça. Parce qu’il y a encore trop de femmes qui se taisent, de peur des représailles.
Si toi qui lis ces lignes, tu vis la même chose, sache que tu n’es pas seule. Et surtout, souviens-toi : ce n’est jamais toi le problème.