Qu’est-ce qu’un métier d’homme ?
Un « métier d’homme » est une expression souvent utilisée pour désigner des professions traditionnellement dominées par des hommes. Perçues comme nécessitant des qualités masculines telles que la force physique, la technicité ou l’autorité. Les femmes y sont sous-représentées, voire même implicitement interdites. Il faut remonter à l’enfance, où les clichés sont imposés. Ils prennent vie dans l’inconscient pour se manifester dans la réalité, afin d’en comprendre les raisons.
En effet, à cette étape du développement, pour les filles comme pour les garçons, s’adapter, s’identifier à ses pairs pour ne pas être stigmatisé, plus qu’une envie, devient un réflexe. Ainsi, les filles – futures femmes – ne se voient généralement pas exercer de métiers qui, selon elles, requièrent plus de force physique, d’autorité ou même de courage que ce qu’on ne leur a dit avoir. Ces pensées finissent souvent par déterminer leurs choix de vie et d’orientations professionnelles, et surtout à les limiter.
Préjugés et idées reçues…
En grandissant, les stéréotypes de genre restent profondément ancrés dans les mentalités autour d’elles. Elles influencent presque toujours l’orientation professionnelle des femmes en Afrique. Selon le rapport de l’UNESCO (2021), les données de 107 pays (2015-2018) montrent que les femmes ne représentent que 33,3 % des chercheurs mondiaux. Un chiffre révélateur des inégalités persistantes dans les domaines perçus comme techniques ou physiquement exigeants. Il est important de noter que cette sous-représentation ne résulte pas d’un manque de compétences ou d’ambition. Mais plutôt de barrières socioculturelles et éducatives. Dès le plus jeune âge, les filles sont souvent découragées de poursuivre des carrières dans certains secteurs. Car ils sont perçus comme incompatibles avec la féminité.
Le sport est un domaine où ces inégalités sont particulièrement visibles. Dans un article intitulé « Faits et chiffres : les femmes dans le sport », ONU Femmes révèle qu’après avoir stagné pendant 30 ans, la couverture médiatique du sport féminin a triplé depuis 2019. Passant de 5 % à 16 % en 2022. Une évolution certes, mais encore bien dérisoire par rapport à celle dont bénéficient leurs homologues masculins dans les mêmes disciplines. Cette faible visibilité limite directement les opportunités de sponsoring et de financement pour les athlètes féminines. Témoignant d’un besoin urgent de réformes pour garantir aux femmes les mêmes opportunités de carrière dans le sport.
Dribler les préjugés sur tous les terrains
Dans la même lancée, Women In Sport UK révèle que 35 % des filles pensent qu’on ne s’attend pas à ce qu’elles soient bonnes en sport, contre seulement 4 % des garçons. En Afrique, une croyance sur la féminité, ancrée dans le socle familial où la catégorisation est des plus drastiques dès le plus jeune âge, accentue encore cette disparité.
« Aujourd’hui, les filles s’intéressent au football et intègrent les centres de formation bien plus qu’il y a 10 ans. Mais, il faut mettre encore plus d’accent sur la sensibilisation des parents à ce sport. Leur faire comprendre qu’être une fille n’empêche pas de jouer au foot. De plus, être footballeuse ne fait pas de la jeune demoiselle un garçon. Elle reste et demeure une femme », nous avoue Charlène Meyong, la Camerounaise milieu de terrain pour le London City Lionesses en Angleterre.

Son expérience aura été contre toute attente différente compte tenu de la période à laquelle elle démarre sa carrière. Motivée par une famille qui l’a toujours soutenue et encouragée dans son choix de devenir footballeuse, elle décide de faire carrière :
« Ce qui m’a motivée à faire carrière en football, c’est ma famille et aussi le talent que je possédais. Alors je me suis dit : pourquoi ne pas tenter ma chance et voir ce que ça va donner ? Aujourd’hui, je rends grâce à Dieu car il m’a permis d’être un modèle pour plusieurs jeunes, qu’ils soient garçons ou filles. »
Elle décrit un parcours semé d’embûches, qu’elle ne regrette cependant pas. Il lui a permis de concrétiser sa signature dans son nouveau club London City Lionesses en Angleterre. Pour elle en tant que professionnelle :
« Voir une Camerounaise signer dans un club Anglais est une chose formidable, et surtout une très grande fierté. Et aujourd’hui je rends grâce à Dieu car il a permis à ce que je sois un modèle pour plusieurs jeunes, garçon comme filles ».
Elle nous confiera en plus que parmi ses plus grandes fiertés, figurent son intégration dans l’équipe nationale Sénior du Cameroun.
« […] Ça n’a pas été très facile mais au fil du temps les choses se sont mises en place, je me suis donnée toutes les chances de toujours représenter les couleurs de mon pays. C’est pour moi une très grande fierté. »
Quand on lui demande ce qui selon elle a fait la différence pour avoir une telle carrière, le travail vient en première position. Surtout quand on est une femme qui veut intégrer un univers encore vraisemblablement très masculin « Aux femmes qui veulent se lancer dans le métier, je leur dirais de ne pas se décourager, de s’y mettre à fond, et surtout de travailler au quotidien car pour moi c’est là que se trouve la vraie magie. Aussi, prenez positivement chaque critique et ne baissez surtout pas les bras parce que vous n’y arrivez pas aujourd’hui »
Sur la question quelque peu épineuse de la différence de traitement que tout le monde s’imagine entre elles et les joueurs masculins, l’internationale camerounaise déclare
« Pour moi en toute honnêteté, il n’existe pas une très grande différence entre les hommes et les femmes au niveau du jeu, nous jouons tous 90 minutes sur le terrain, avons parfois les mêmes bobos, c’est le même type d’entraînement partout. Il y a de l’évolution tous les jours, la FIFA met davantage un accent sur le Football Féminin, et c’est très positif. »
Le début d’une nouvelle ère ?
Pour nous faire une idée de la réalité des femmes dans le milieu, nous avons demandé un second avis. Cette fois-ci, nous nous sommes tournés vers une personne qui ne chausse certes pas les crampons, mais dont le métier est de s’assurer que les joueurs sur le terrain soient dans le bon état d’esprit pour tout donner une fois sur le stade. Force est de constater que la réalité décrite par Hugues AMAMANA, agent de joueur FIFA depuis deux ans déjà, et avant tout passionné de football ne diffère pas réellement de celle de notre internationale camerounaise. Les souvenirs que ce dernier garde des terrains vagues lorsqu’il était plus jeune confirment le désintérêt manifeste –potentiellement stéréotypé notons-le – des filles très tôt pour les sports
« Quand on est jeune, on veut juste jouer, pas forcément au football. Il arrivait parfois que les petites filles comme garçons se retrouvaient à taper dans la balle. En grandissant on observe que les filles se passionnent moins pour le foot que les garçons qui pratiquent par conséquent plus souvent développant ainsi une motricité mais surtout une compréhension du jeu. »
Il se souvient d’ailleurs très bien d’un profil qui dénotait en particulier de cette tendance
« […] nous avions la chance dans mon quartier d’avoir Carine qui était une adolescente qui venait jouer avec nous très régulièrement, et je dois dire qu’elle était douée. Beaucoup plus que certains d’entre nous s’il faille être honnête. Je crois d’ailleurs qu’elle a à minima fait des essais au Canon de Yaoundé Section féminine par la suite. »

Dans un pays comme le Cameroun, où le football est souvent assimilé à une religion, la perception de la société quant aux femmes qui se décident à exercer un « métier d’homme » reste encore un enjeu. Pour Hugues AMAMANA, on parlerait plus de désintérêt qu’autre chose à ce niveau, du moins de la part du grand public. Mais selon lui, d’abord en tant que passionné du ballon rond, il est difficile de nier l’impact que la CAN de 2016 a eu sur cette perception qui a radicalement changée après.
« La Coupe d’Afrique des Nations féminine de 2016, que nous avons reçue ici et perdue en finale face au Nigeria voisin, reste selon moi un événement clé dans l’histoire du football féminin au Cameroun. Les filles du coach Enow Ngatchou nous ont fait rêver. La capitaine Mani, Ngog Yango, Aboudi, Enganamouit, Ajara Njoya… elles ont vraiment mis un gros coup de projecteur sur le football féminin à ce moment-là. S’en est suivie une meilleure structuration de la ligue féminine, qui est devenue la Guinness Super League, ainsi que des investissements comme ceux d’André Onana avec Éclair de Sa’a, son club. »
A notre question de savoir si l’intégration des femmes dans le football en Afrique a atteint son maximum selon lui, prenant sa casquette d’agent de joueur, il a affirmé que selon lui
« De manière globale le football féminin en Afrique est promis à un bel avenir. Il y’a le programme de promotion du football féminin de la FIFA qui joue le rôle de levier en ce sens. Ainsi que la création de divers centres de formation ou de sections féminines dans divers clubs qui aident au nivellement des valeurs sur le continent »
Ouvrir la voie à d’autres…
Les femmes africaines qui osent briser les barrières des métiers traditionnellement masculins démontrent chaque jour que les préjugés ne sont pas une fatalité. Malgré les obstacles socioculturels et structurels, elles redéfinissent les normes et prouvent que la compétence et la passion n’ont pas de genre. Qu’il s’agisse du sport ou d’autres métiers, elles imposent progressivement leur place, soutenues par des initiatives encourageant l’inclusion et la reconnaissance de leur travail. Cependant, de nombreux défis restent à relever. Notamment en matière de visibilité, de financement et d’égalité des chances.
Dans la deuxième partie de cet article, nous explorerons d’autres parcours inspirants, dans des domaines tout aussi exigeants et stéréotypés. Entre science, innovation et leadership, ces femmes aux profils variés nous montreront que l’audace et la persévérance sont les véritables clés du changement. À travers leurs histoires, nous continuerons à déconstruire les idées reçues et à célébrer celles qui façonnent un avenir plus inclusif.