Du réticule discret au « It Bag » planétaire, il raconte l’histoire des femmes, de leurs luttes, de leur pouvoir. Et désormais, l’Afrique y appose sa signature.
Aujourd’hui, le sac à main fait partie de notre quotidien. Il nous suit partout, garde nos secrets, incarne notre style. Pourtant, il a souvent été décrié :
- Les premières féministes y voyaient un instrument de contrôle social, symbole d’une féminité jugée frivole.
- Les freudiens l’interprétaient comme un symbole sexuel, un “contenant” à forte charge psychanalytique.
- Dans l’argot anglais du XVIIᵉ siècle, le mot purse (en français « bourse » ou petite pochette) servait à désigner les femmes de manière grossière.
Le sac devient même une arme politique : lorsque Margaret Thatcher est devenue la première femme Première ministre du Royaume-Uni, on inventa le verbe to handbag, qui signifie littéralement « frapper de son sac », métaphore de sa manière d’imposer son autorité.
Jadis relégué à l’image de coquetterie, le sac à main s’est transformé en manifeste de puissance et d’indépendance.


Aux origines : compagnon de vie et d’identité
Bien avant l’Europe, l’Afrique façonnait déjà des contenants artistiques :
- Paniers tressés en raphia,
- Besaces en cuir de chèvre tanné au soleil,
- Pochettes perlées aux motifs symboliques.
Les fouilles archéologiques en Afrique de l’Est montrent que les premières pochettes en cuir étaient décorées de motifs géométriques. Dans les sociétés sahéliennes, chasseurs et griots portaient des sacs ornés de cauris, unissant spiritualité et fonction pratique. Ces sacs étaient des objets identitaires, de transmission et de protection.
Du Moyen Âge au XVIIIᵉ siècle : du masculin au bijou
En Europe médiévale, le sac était surtout masculin, porté à la ceinture. Avec la Renaissance, il se raffine et devient objet de distinction. En Afrique de l’Ouest, les artisans de Tombouctou et de Kano perfectionnaient déjà l’art du cuir : leurs pièces, exportées jusqu’en Méditerranée, servaient aussi de monnaie d’échange.
Au XVIIIᵉ siècle, les silhouettes féminines se transforment : les poches disparaissent des robes et les femmes adoptent le réticule, petit sac à cordon qui devient accessoire de mode.
Dans les cours africaines, les reines et épouses de chefs arboraient des pochettes décorées de perles et de coquillages, contenant amulettes, khôl ou poudres parfumées. Dans les deux cultures, le sac devient objet d’apparat et signe de raffinement.
XIXᵉ siècle : l’âge des voyages et des influences
Le XIXᵉ siècle voit naître la maroquinerie telle qu’on la connaît : sacs structurés, malles, nécessaires de voyage. Louis Vuitton, Hermès et Goyard imposent leurs codes.
C’est aussi l’époque où les matériaux africains — cuirs teints naturellement, raphia, peaux gravées… — inspirent les ateliers européens. Les colons rapportent d’Afrique des besaces et sacs de marché, qui nourrissent les modèles « exotiques » de l’époque victorienne.
XXᵉ siècle : de la liberté au luxe
Les années 1920 marquent un tournant : les femmes veulent bouger, danser, voyager. Les sacs deviennent plus petits, plus décoratifs. Les minaudières et pochettes de soirée se parent de perles, de strass et d’or.
En 1955, Coco Chanel invente le sac à bandoulière 2.55 et libère les mains des femmes.
Les années 60-70 voient l’explosion des sacs souples et bohèmes, souvent inspirés des artisanats africains et asiatiques. Dans les capitales africaines, les tailleurs créent des sacs assortis aux ensembles wax et bogolan : le sac devient une extension de la tenue.


Du “It Bag” au manifeste identitaire
Les années 1990-2000 voient naître les “It Bags” : le Fendi Baguette, le Lady Dior, le Balenciaga City…symboles de désir et de statut.
Aujourd’hui, l’Afrique s’impose sur la carte mondiale de la maroquinerie :
- Aaks (Ghana) : paniers en raphia tressé main, silhouettes modernes.
- Zashadu (Nigeria) : cuir upcyclé, design minimaliste.
- Loza Maléombho (Côte d’Ivoire) : fusion entre esthétique africaine et architecture contemporaine.
Ces créateurs ne se contentent pas de suivre les tendances : ils réinventent le luxe, en le rendant responsable, culturellement ancré et résolument panafricain.


Un avenir au féminin… et en Afrique
D’objet utilitaire, le sac est devenu un symbole de pouvoir, de style et d’émancipation. Et si le prochain “It Bag” planétaire naissait à Abidjan, Lagos ou Accra ?
Entre artisanat, durabilité et storytelling culturel, le sac africain porte haut l’étendard d’un luxe conscient et fier de ses racines.